Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
L'administratrice : Sérénité'art

dimanche 25 août 2019

A PROPOS DU PROCESSUS DE L'APPRENTISSAGE DE LA CALLIGRAPHIE CHINOISE.

浅谈学习中国
书法进程

Comme pour chaque chose, l’apprentissage de la calligraphie chinoise a ses règles et son processus à suivre....

D’abord, apprendre la calligraphie est un long parcours qui exige beaucoup de volonté, de patience, de sacrifices et d’humilité. Il m’arrive souvent d’expliquer ce long chemin à ceux qui veulent être calligraphes au bout de deux ou trois ans d’exercice au pinceau !



Mais pourquoi cet apprentissage est-t-il si long ?

Parce que la calligraphie n’est pas seulement une question graphique, mais qu’ elle est aussi  le creuset de la culture chinoise : histoire, poésie, philosophie, littérature, langue, sentiment,  humeur personnelle, etc.
Et puis, la calligraphie est aussi un long perfectionnement de la personnalité individuelle : calme contre turbulence, patience contre impatience, désir de progrès contre autosuffisance,  modestie contre m’as-tu-vu, etc. 

C’est un long processus de remises en question continues.

Ensuite, la calligraphie est un art complexe et donc difficile à maîtriser. Dix ans ? Quinze ans ? Vingt ans ? Cela dépend de tout un chacun.

Bien des gens veulent aller au but rapidement. Ce n’est pas possible, car cet apprentissage a des étapes incontournables. 
Prenons comme exemple les étudiants à l’université - en Chine - qui ont choisi la calligraphie pour spécialité d’étude : ils doivent tous suivre un long programme qui s’étend sur cinq ans.

-- La première année d’étude est consacrée à l’apprentissage du zhuanshu 篆书 (sigillaire) qui est à l’origine de l’écriture chinoise. Cette année permet de connaître vraiment l’origine des caractères ( forme et signification ). Il s’agit là du départ du processus de l’apprentissage. 


 illustration : tirée de  « Passion à l’encre » p.142 – 143

-- La deuxième année est centrée sur l’apprentissage du kaishu 楷书 ( écriture régulière qui est pratiquée dans la vie courante des Chinois) et sur toutes les techniques du pinceau. 
Si l’on veut aller loin sur ce chemin, il est obligatoire de bien maîtriser les techniques de base du kaishu

En Chine, on dit ceci : sans un bon kaishu, on ne sera jamais un vrai calligraphe.
Les étudiants chinois continuent à se perfectionner en kaishu pendant les 3e, 4e et 5e années universitaires.

illustration : tirée de  « Passion à l’encre » p.189

-- La troisième année  a pour thème principal l’apprentissage du xingshu 行书 (écriture cursive ) dont les traits des mots sont souvent liés, la forme des mots est plus libre et plus dynamique. 

On pense souvent qu’on peut tracer le xingshu “comme on veut”, sans aucune règle à respecter. Mais non ! Le xingshu possède et traduit beaucoup plus les sentiments et le caractère de l’auteur, tout en respectant le principe primordial de la calligraphie :
           - harmonie entre le blanc ( papier ) et le noir ( encre ), 
           - symetrie de part et d'autre de l'axe et équilibre des épaisseurs des traits (délicieuse alternance des traits fins et des traits épais) Que sais-je encore....
 illustration : tirée de  « Passion à l’encre » p 45

-- La quatrième année est destinée à l’étude du caoshu 草书 ( herbe folle ) Ce style est très vif et très personnalisé, hautement épuré et savamment abstrait, donc très difficile. Les étudiants se consacrent entièrement à copier un grand maître historique, trait par trait, mot par mot, vers par vers…
Cette étape leur est importante pour forger la personnalité de leur calligraphie déjà assez bien affirmée.  ‘    
( illustration : voir « Passion à l’encre » p. 94 )


-- La cinquième année est destinée à composer la thèse théorique basée sur les connaissances théoriques et pratiques acquises durant les quatre années précédentes. 
C’est la dernière année d’étude couronnée par un diplôme universitaire qui, pourtant, ne signifie pas la fin de l’apprentissage.
…et cependant, le chemin vient à peine de commencer …

En Europe, l’écriture et la langue chinoises nous sont totalement étrangères, ce qui fait que l’apprentissage de la calligraphie chinoise devient un vrai  « casse-tête chinois » : tout nous paraît étrange, bizarre et compliqué, il faut de longues années pour pénétrer vraiment ce labyrinthe esthétique. Plusieurs de mes élèves, au bout d’une vingtaine d’années de labeur à mes côtés, arrivent à très bien calligraphier et leurs œuvres sont chaleureusement appréciées à Pékin et à Shanghaï par mes anciens collègues. C’est très encourageant et réconfortant. En même temps, cela prouve aussi la nécessité de la patience , de la ténacité et de l’humilité pour réussir ce long parcours.

Vouloir c’est pouvoir !

dimanche 11 août 2019

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 5 -

Parlons de "shan shui hua" 
问答山水画
(3) ...

Léa A : L'état mental de l'artiste a t il une importance?

Shi Bo

Shi Bo : Il est primordial. Chaque œuvre doit exprimer une volonté, un désir, une passion, en un mot, c’est une procédure de recherche mentale, sentimentale, spirituelle. L’esprit de l’artiste décide de tout concernant l’œuvre.

Léa A : Toutes ces questions te paraissent sans doute étonnantes ou même idiotes ! mais je me  les pose souvent....
Alors, d'autres personnes  peuvent aussi se les poser!

Shi Bo : Ce ne sont pas du tout les questions idiotes comme tu le dis. Il s’agit là de l’essentiel de shan shui hua qui se lit non seulement par les traits noirs, mais surtout par les petits et grands espaces blancs que l’artiste aménage intelligemment sur le tableau.
J’aimerais ajouter un mot sur les espaces blancs du shan shui hua. Comme en calligraphie, les blancs (vides) sont une expression plus intense, plus profonde, plus imaginaire que les traits noirs. Souvent ce sont ces petits ou grands espaces qui cachent le parfum du mystère que tu ressens. Si le premier plan et le dernier plan du tableau sont trop remplis de traits noirs, les lecteurs se sentent étouffés, écrasés.
Prenons la cascade pour exemple : sur un shan shui hua, si tu aménages une ou deux cascades en blanc, ton tableau prend immédiatement vie, car ces espaces blancs donnent beaucoup de mouvement et de respiration au tableau et font même entendre le grondement de la chute d’eau. Un vrai mystère !

Shi Bo

Léa A : A propos des shan shui hua, j'ai aussi une question concernant le poème. Est-ce la peinture (finie ) du paysage qui déclenche la création du poème par l'artiste?  Ou bien inversement, le poème est-il écrit avant la création de la peinture shan shui, et ainsi l'artiste peint en interprétant le poème?  Ou bien, le poème peut- il être écrit par un autre artiste ? (différent du peintre ) 

Shi Bo : Les trois cas que tu cites sont possibles. Souvent le peintre est l’auteur du poème, mais on peut aussi peindre selon l’image d’un poème écrit par un poète. L’empereur Qianlong de la dynastie des Qing, grand lettré et poète de l’époque, aimait composer et calligraphier ses poèmes sur des œuvres picturales qu’il collectionnait abondamment. J’ai moi-même eu l’occasion de calligraphier mon poème sur une peinture d’un ami peintre shanghaïen qui avait exposé à Paris.

Léa A : Merci pour toutes ces explications précises et précieuses !

Shi Bo : C’est un grand plaisir pour moi de parler de ce sujet.