Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
L'administratrice : Sérénité'art

samedi 28 juillet 2018

CE MYSTERIEUX LANTINGXU DE WANG XIZHI 王羲之的兰亭序之谜 - 2

(suite)
.....C’est avec avidité et curiosité que j’ai lu et relu ces deux volumes intitulés 
« Complot meurtrier derrière Lantingxu » 
( 兰亭序杀局 ). 
Le leitmotiv est concentré sur l’envie de l’empereur Taizong des Tang de se procurer ce fameux Lantingxu, en envoyant ses gardes du corps à la poursuite de ceux qui furent supposés dépositaires du chef-d’œuvre.

Portrait de Taizong 

Pourquoi cet empereur voulait absolument trouver et posséder cette œuvre calligraphique ?
Raison apparente : l’empereur admirait follement l’art calligraphique de Wang Xizhi réputé comme « Saint de calligraphie », il le copiait, l’imitait inlassablement, même pendant ses déplacements  hors de la capitale impériale.
Raison cachée : sachant que le Lantingxu était en fait le manifeste d’une organisation politique secrète, l’empereur voulait coûte que coûte mettre la main sur cette organisation et la réduire en pièces.

Manifeste politique
En effet, Wang Xizhi ( 303-361 ) vivait une époque de bouleversements après la dynastie des Wei (220 – 265) et pendant la dynastie des Jin (265 – 420). Les insurrections paysannes déferlaient sur l’immense territoire de l’Empire du Milieu et la corruption rongeait ce corps impérial presque moribond. Le mécontentement allait grandissant.
Wang Xizhi assuma pendant quelques années les fonctions de secrétaire de l’armée droite du trône, déçu par le régime, il retourna dans son pays natal, avec un plan secret visant à changer la société.
Le 3 mars lunaire de la neuvième année du règne  Yonghe de l’empereur Mudi de la Dynastie des Jin de l’Est, à savoir en avril de l’an  353 de notre ère, Wang Xizhi et ses 6 fils ainsi que 35 amis tous lettrés se réunirent au Pavillon Lanting de Huiji pour célébrer la Fête Shangyi ( 上已节 ), une sorte de fête du printemps. En tout 42 participants à cette rencontre printanière, assis au bord de l’eau, fondèrent une organisation secrète sous le nom de Tianxingmeng 天刑盟 qui signifie Alliance de punition céleste. La Punition céleste était leur ligne directrice d’action : ils voulaient punir tout régime et toutes les politiques nuisibles à l’intérêt du pays. Dans leur registre politique furent inscrits ces quatre mots :替天行道   appliquer la raison au nom du Ciel.

Durant ce rassemblement, chaque participant composa un poème ; 42 poèmes furent ainsi réuni en « Recueil du Pavillon Lanting ». Wang Xizhi écrivit pour ce recueil un texte historiquement appelé « Préface au Recueil du Pavillon Lanting », à savoir le célèbre texte Lantingxu. 
Organisation de Tianxingmeng 天刑盟
Lorsqu’on lit attentivement le Lantingxu, on remarque facilement que parmi les 324 caractères du texte, il y a 20 caractères Zhi qu’il calligraphia de différentes façons.
En fait, il s’agit du secret de l’organisation de Tianxingmeng 天刑盟. Sur le plan organique, Tianxingmeng 天刑盟 avait un « gouverneur général » 本舵主qui était commandant en chef dont Wang Xizhi lui-même assuma les fonctions, secondé par 19 gouverneurs divisionnaires分舵主.
L’organisation secrète fit graver les 20 Zhi calligraphiés par Wang Xizhi en sceaux yin (en creux)  et en sceaux yang (en relief). En tant que gouverneur général, Wang Xizhi détenait le sceau yang et le sceau yin d’un premier Zhi , ainsi que les 19 autres sceaux yin, alors que les 19 gouverneurs divisionnaires possédaient chacun un sceau Zhi yang.
Lorsque le gouverneur général publiait un ordre d’action, les 19 gouverneurs divisionnaires venaient lui montrer leurs sceaux yang , si les sceaux yang s’identifiaient parfaitement avec les sceaux yin toujours dans les mains de Wang Xizhi, ils recevaient alors un certificat du pouvoir d’action.
Les archives montrent que les deux premiers gouverneurs généraux sont Wang Xizhi et après lui, son fils Wang Xianzhi qui était aussi un important calligraphe.
Un exemple de l'art de Wang Xianzhi

Toujours selon les archives historiques, le dernier gouverneur général dont on peut trouver les traces écrites est le moine Zhiyong 智永和尚 qui n’était autre qu’ un des descendants familiaux du premier gouverneur, son vrai nom civil était Wang Faji 王法及.
Le moine Zhiyong 智永和尚 était un important calligraphe, expert en style dit « herbe folle légère » 轻狂草书. Il fut pourchassé pendant de longues années par des gardes du corps du trône vêtus en noir玄甲卫, car il possédait l’original du célèbre texte Lantingxu.
L’organisation secrète de Tianxingmeng 天刑盟 se développa sous la dynastie des Tang, ses cadres furent en fait d’importants mandarins de la cour impériale, comme le célèbre Premier ministre Wei Zheng 魏徵 qui conseillait et osait critiquer l’empereur Taizhong.



                                                                                                      (à suivre.......)

mercredi 25 juillet 2018

CE MYSTERIEUX LANTINGXU DE WANG XIZHI 王羲之的兰亭序之谜 - 1 (à suivre)


Wang Xizhi...

Ce nom que tout le monde en Chine connaît, est éternellement gravé au brillant firmament de l’histoire de la calligraphie chinoise grâce à sa prodigieuse œuvre calligraphique 

Lantingxu (兰亭序).

 Ce chef-d’œuvre si gracieux, si majestueux, si mystérieux, est depuis son apparition sujet de vénérations et de louanges, on le considère de génération en génération comme le summum de l’art du xingshu ; on le recopie et on le reproduit inlassablement dans l’espoir de grimper sur ce chemin de calligraphie et d’atteindre un jour au sanctuaire de l’esthétique calligraphique.



Mais ce brillant aspect esthétique du Lantingxu cache un mystère. On se demande toujours pourquoi Wang Xizhi fit cette préface au recueil des poèmes écrits pendant le rassemblement d’un certain nombre de lettrés au bord d’un petit fleuve sinueux dont les deux rives étaient ombragées, sous le pavillon Lanting ; dans le district Huiji, province du Zhejiang, non loin de Shanghaï.

Fin 2017 et début 2018, profitant de mon séjour de convalescence à Pékin, j’ai parlé à mon fils de ce mystère Lantingxu. Il a fait des recherches sur Internet et grâce à sa gentillesse, j’ai pu me procurer un gros livre en deux volumes de plus de six cents pages concernant ce fameux Lantingxu.

Voici le texte de ce document que j'ai calligraphié de nombreuses fois, et sous différentes présentations, telles que rouleaux, éventail ou livre impérial.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir.
L’auteur Wang Jueren, romancier-historien,  est déjà assez connu pour ses romans sur des personnages et des événements historiques, surtout sur plusieurs empereurs chinois. Il a consacré une dizaine d’années à découvrir et à suivre les traces de Lantingxu perdues  dans des montagnes de documents et d’archives qui ont pu survivre à la destructrice révolution culturelle du grand timonier Mao Zedong..

Ici : une reproduction d'un original de Wang Xizhi
Il s'agit d'un texte sur rouleau  ayant pour objet : les dignitaires provinciaux.
(38,6cm x 32cm)
(A suivre)


dimanche 15 juillet 2018

LA BRILLANTE LI QINGZHAO QUE JE VENERE


李清照的光辉
Au firmament de la longue histoire littéraire chinoise brillent de nombreuses femmes de lettres et poétesses. Mais je vénère spécialement Li Qingzhao, car, par la ressemblance de notre parcours culturel et social, je partage intimement sa mélancolie et sa détresse.
Li Qingzhao (1084 – 1151), est née dans une famille de hauts mandarins de la Dynastie des Song. Elle est certainement la plus brillante et la plus talentueuse poétesse de la littérature chinoise. Dès l’enfance elle reçut une bonne et rigoureuse éducation littéraire, picturale, musicale et calligraphique. Extrêmement intelligente et douée, elle commença son parcours poétique dès l’adolescence, elle déclama souvent ses écrits dans les milieux intellectuels de la capitale impériale .
A dix-huit ans, elle épousa l’académicien de la cour impériale, Zhao Mingcheng passionné d’antiquités. Avec l’aide de son mari, Li Qingzhao collectionna de nombreux poèmes, peintures et calligraphies ainsi que bronzes des époques lointaines.
Excellente spécialiste des poèmes rythmés – Lüshi 律诗, elle fut en même temps romancière, essayiste, archéologue et peintre reconnue de son époque. Par ailleurs elle était maître de calligraphie et experte des sculptures de bronze et de pierre.
En l’an 1127, les rebelles du nord du pays franchirent le grand fleuve bleu Yangtsé , livrèrent assaut à la capitale impériale et emprisonnèrent l’empereur Huizong –inventeur du célèbre style calligraphique dit « corps maigre en métal » 瘦金体. Li Qingzhao fut obligée de quitter la capitale impériale avec son mari qui, sur le chemin de l’exode vers le sud, tomba gravement malade et bientôt décéda, laissant sa femme seule à errer un peu partout à travers la campagne déserte.
Sur le chemin de vagabondage, elle fut attaquée maintes fois par des bandits et perdit toutes ses collections d’antiquités. Elle mourut dans la plus grande détresse et les privations absolues.
Li Qingzhao composa à peu près quinze volumes de poèmes Lüshi 律诗 dont un seul, intitulé « poèmes de jade », nous est parvenu, comme un défit aux vicissitudes du temps et de l’histoire.
Les Lüshi 律诗 de Li Qingzhao se distinguent, selon les spécialistes littéraires chinois, par un vocabulaire riche et nuancé aussi bien que par l’excellente syntaxe rythmée des mots. Elle aimait faire appel à la répétition adéquate et à l’abstraction inattendue des mots pour exprimer sa détresse et son amour mélancolique.
Ci-dessous, voici deux de ses nombreux Lüshi 律诗 reconnus comme des plus beaux :
-1-
一剪梅
紅藕(ou)香殘(can)玉簟(dian)
輕解羅裳
獨上蘭舟
雲中誰寄錦書來?
雁字回時
月滿西樓
花自飄零水自流
一種相思
兩處閒愁
此情無計可消除
才下眉頭
卻上心頭

Amour et mélancolie
--Chant sur la Brindille de Mume
Li Qingzhao

Le lotus rouge se fane
La natte verte de bambou annonce l’automne
Je défais doucement ma robe de soie
Et seule, saute dans la barque mouvante
Qui m’envoie un message à travers les nuages ?
Les oies sauvages sont déjà de retour
Mon pavillon d’ouest gémit au clair de lune
Rien n’arrête les pétales qui s’en vont au gré de l’eau
Si loin l’un de l’autre, un même amour nous tourmente
Rien ne peut apaiser cette douleur
qui se lisait déjà sur mon front qui se crispe
et commence maintenant à envahir mon cœur
-2-
聲聲慢
尋尋覓覓,冷冷清清,悽悽慘慘戚戚。
咋暖還寒時候,最難將息。
三杯兩盞淡酒,怎敵他晚來風急。
雁過也,正傷心,卻是舊時相識。
滿地黃花堆積,憔悴損,如今有誰堪摘?
守着窗兒,獨自怎生得黑?
梧桐更兼細雨,到黃昏點點滴滴。
這次第,怎一個愁字了得。


Poème à l’automne mélancolique
Li Qingzhao

Je cherche et cherche
Mais je ne trouve rien
Frileuse, malheureuse
Je suis désespérée,
attristée et affligée
par ce temps plutôt froid que chaud
il est difficile de me soigner
Avec deux ou trois coupes de vin léger
Puis-je affronter le vent glacial
qui se lève après la nuit tombée ?
Je m’afflige de voir ces oies sauvages, amies de jadis
passer au-dessus de ma tête
le sol jonché des pétales flétris
Qui vient ramasser ces fleurs fanées aujourd’hui ?
Seule à la fenêtre
Comment puis-je traverser cette nuit noire ?
Les feuilles de platane bruissent
Sous cette pluie fine, dans l’obscurité
Quelle tristesse
Qui m’envahit

Sans cesse !