Les chercheurs et les praticiens de la calligraphie sont tous d’accord pour émettre le principe à cinq caractères comme représentant un ensemble d’excellents conseils donnés à ceux qui veulent apprendre l’art calligraphique.
观 guan : regarder, observer
练 lian : faire des exercices, pratiquer
养 yang : se cultiver, cultiver l’esprit
悟 wu : réfléchir pour comprendre
创 chuang : créer
Chacun d'entre eux nécessite d'être soigneusement médité.
观 guan : regarder, observer
Quand on apprend la calligraphie, le premier pas est de regarder l’exemple calligraphique.
Comment regarder ou observer ? Les anciens grands maîtres calligraphes nous recommandaient de contempler et d’observer d’abord le physique du mot à imiter, à savoir la position de mot dans son ensemble, et sa structure physique dans l’espace, surtout la position des traits et leurs liens ; ensuite la force, le souffle des traits pour pénétrer enfin dans l’esprit du maître qui vous donne l’exemple à calligraphier.
En résumé, il faut avant tout observer la structure physique (le visible) du mot et saisir son esprit (l’invisible). Ainsi l’observation peut-elle vous guider pas à pas vers la compréhension et la maîtrise de l’âme esthétique de la calligraphie.
Ce qui est important - et donc difficile - est d’observer l’invisible à travers le visible.
Ce n’est qu’en décelant et comprenant cet invisible qu’on peut bien imiter un maître ou un exemple calligraphique.
练 lian : faire des exercices, pratiquer
Des années et des années d’exercices monotones et tenaces sont nécessaires : c’est aussi le seul chemin conduisant à la réussite. A notre époque moderne, le temps manque, tout va vite. L’apprentissage de la calligraphie est un investissement très important en temps et en énergie. Il faut prendre du temps et faire preuve de patience.
Un dicton chinois nous recommande à ce propos : « Utiliser l’eau de la mer de l’est comme encre et les bambous de la montagne de l’ouest pour pinceaux afin de réussir quelque chose dans l’apprentissage de la calligraphie » En d’autres termes, des litres d’encre et des centaines de pinceaux sont obligatoires pour réussir à maîtriser la base des techniques de la calligraphie.
On peut suivre un maître pendant les premières années, et lorsqu’on sait bien faire un premier millier de mot chinois en kaishu et en xingshu on peut envisager d’imiter un autre maître ou un autre style.
Le kaishu est la base la plus élémentaire, il offre une image standard du mot et la possibilité d’approfondir la connaissance et le perfectionnement des techniques esthétiques, alors que le xingshu, donnant plutôt une image plus sophistiquée et plus fluide du mot, permet de saisir facilement l’âme du mot. Par conséquent il faut commencer l’exercice par le kaishu et quelques années après continuer par le xingshu.
A travers l’exercice, on doit sentir le souffle de différents pinceaux et savoir prendre le pouls du caractère de différents papiers de riz.
养 yang : se cultiver, cultiver l’esprit
L’art calligraphique est réputé en Chine comme un creuset où l’on se forme pour cultiver et enrichir l’esprit.
La calligraphie cristallise toutes les connaissances culturelles et artistiques, dont la musique, la danse, l’histoire, la littérature et surtout la poésie et la philosophie. Lorsqu’on se lance dans l’apprentissage de cet art, il faut avoir toujours présente à l’esprit la détermination de faire un long voyage monotone, studieux et souvent pénible à travers l’océan du savoir humain.
悟 wu : réfléchir pour comprendre
La calligraphie chinoise est animée par la profonde philosophie du taoïsme. L’apprentissage doit donc s’axer sur cette philosophie qui nous guidera pas à pas vers le sommet de la compréhension de cet art sophistiqué.
La compréhension est un processus de réflexion, de doutes et de constantes et répétitives remises en cause, et un fois surmontés de nombreux échecs, la compréhension aboutira à l’éveil de l’esprit qui permettra la maîtrise de l’art calligraphique.
创 chuang : créer
En Chine, l’imitation est depuis toujours un acte glorieux et noble, donc elle est encouragée dans presque tous les domaines artistiques et culturels. Mais l’art doit progresser et se diversifier, on ne peut pas se limiter uniquement à l’imitation. Quand on maîtrise ou presque le style d’un maître, il faut commencer à imiter et à comprendre le style d’un autre maître. Si l’on maîtrise déjà plusieurs styles on peut et doit fondre tous ces styles appris dans son creuset personnel pour forger son style particulier. Ce procédé est appelé « création ».
Personnellement, durant la première dizaine d’années d’apprentissage, j’ai abondamment et successivement imité Wang Xizhi (321 – 379), Liu Gongquan (778 – 865), Ouyang Xiu (1007 – 1072), Tang Yin (1470 – 1523), Wen Zhengming (1470 – 1559), etc. Et au fur et à mesure j’ai « mélangé » l’élégance du style de Wang Xizhi, la spontanéité du style de Liu Gongquan et de Wen Zhengming ainsi que la flexibilité et la grâce du style de Tang Yin et de l’empereur Huizhong des Song.
J'ai ainsi pu forger mon style personnel connu en Chine comme un style appelé « bambou gracieux » (秀竹体) que je perfectionne toujours depuis des dizaines d’années.