Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
L'administratrice : Sérénité'art

jeudi 18 mars 2021

LE MOINE IVROGNE HUAI-SU - Fin

 ..... 邬彤 Wu Tong fut un autre personnage qui joua un rôle très important dans le développent du style extravagant de Huai-su.

En effet, au bout de 5 ans vécus dans le faste à la capitale impériale, Huai-su avait une puissante nostalgie de son ancienne vie à la campagne : un petit étang entouré de bambous, de saules pleureurs, de roseaux  qui changeaient de couleur aux quatre saisons et d’oiseaux multicolores … Toute cette vie sauvage lui manquait effroyablement. Il décida de rentrer dans son village natal si doux si intime à ses yeux.

Il quitta Chang An, et fit escale sur le chemin de retour à Luoyang 洛阳,capitale est de l’Empire, qui était en fait un autre centre culturel très développé .

 Pourquoi ce détour sur le chemin de retour ? Il voulait y rencontrer le ténor du caoshu de l’empire, le grand calligraphe Wu Tong, élève de Zhang Xu 张旭 aussi connu et aussi important que Wang Xizhi. Wu Tong fut considéré comme le meilleur calligraphe du caoshu « herbe folle » après Zhang Xu.

 

Effectivement, une fois arrivé à Luoyang, il se rendit directement chez Wu Tong, il y fut chaleureusement reçu.

Huai-su demanda à son hôte de l’accepter comme élève, il promit de le suivre dans son enseignement du style « herbe folle avec beaucoup d’humilité et d’application. Sa demande fut acceptée et ils travaillèrent ensemble pendant quelques mois.

Documents présentés sur ce post :  oeuvres du calligraphe


Un jour, Wu Tong dit à Huai-su : « Mon professeur Zhang Xu  m’a déclaré en secret : pour faire le caoshu extravagant, le pinceau doit être comme le roseau isolé qui se dresse, ou bien comme un grain de sable soudain emporté par le vent..孤蓬自振,惊沙坐飞.

 Je médite fréquemment sur ces deux vers, en imaginant la danse d’un roseau dénudé dans le vent et l’envol de ce grain de sable emporté par le vent… Souvent une image très épurée surgit devant mes yeux. Le style herbe folle de mon maître Zhang Xu ressemble exactement à cette épuration calligraphique : le sommet de l’abstraction de chaque idéogramme… »

Ces quelques mots secouèrent l’esprit de Huai-su et imprégnèrent en lui le principe régissant le caoshu extravagant qu’il chercha toute sa vie à épurer et embellir. En effet, il finit par  monter au sommet artistique de ce style calligraphique.



颜真卿   Yan Zhenqing  (709 – 785) était passa à Luoyang quand Huai-su travaillait sous le guide du pinceau de Wu Tong. 

Un jour, le gardien de la résidence de Wu Tong annonça que Yan Zhenqing arriva à la capitale est. Wu Tong voulait héberger son ancien condisciple Yan Zhenqing avec qui il avait passé quelques années chez Zhang Xu pour apprendre l’herbe folle.

Yan Zhenqing, ainsi installé chez son ancien compagnon de route calligraphique, s’entendait parfaitement bien avec la nouvelle star du caoshu extravagant Huai-su. Ils discutaient sur la technique calligraphique, voyageaient dans la banlieue de la capitale est et nouèrent une amitié profonde.

Un matin, pendant leur promenade le long du grand canal, Yan Zhenqing posa à brûle-pourpoint cette question à Huai-su :

« Que penses-tu de cette trace de dégoulinade d’eau sur ce vieux mur ? »

Huai-su ne répondit pas tout de suite, mais cette question trotta dans sa tête durant plusieurs jours. Il alla même dans le quartier des pauvres de la capitale est pour observer des murs délabrés portant beaucoup de traces de fuite d’eau qui sillonnaient tantôt finement, tantôt avec des courbes lourdes. Il comprit que cette lourdeur ponctuelle était tellement belle que la trace noircie devenait une beauté rare. Il pensait que dans la nature l’envol des oiseaux, le fracas des branches d’arbre, la chute d’eau dans la montagne etc. constituaient de très belles intuitions pour le caoshu extravagant. D’où son style vigoureux, épuré et gracieux.



陆羽 Lu Yu fut le dernier personnage qui laissa une profonde empreinte sur le parcours calligraphique de Huai-su. Expert du thé chinois, auteur du célèbre traité théorique « Classique du thé », Lu Yu rencontra le saint calligraphe Huai-su en 787, il entretint avec lui une sincère et indéfectible amitié, Son livre « Biographie du moine Huai-su » en est la preuve : il n’y tarissait pas d’éloges sur le personnage Huai-su aussi bien que sur la haute perfection de son art du caoshu extravagant, le qualifiant d’un étrange mont parmi de nombreux monts calligraphiques.

Un dicton chinois dit ceci : 落叶归根 les feuilles mortes d’un arbre tombent autour de ses racines ;

 en d’autres termes, on finit toujours par retourner dans son pays natal. A 63 ans, Huai-su rentra définitivement dans son village natal, retrouvant bambous, roseaux, étangs, herbes, oies sauvages qui lui décrivaient des lignes, des traits et des points simples et délavés. Il y écrivit son dernier livre « Mille idéogrammes en petite herbe folle » gravés sur une stèle en pierre qui se trouve aujourd’hui dans la « Forêt de stèles de Xi’an » que l’on peut visiter.

Grâce à sa technique sophistiquée du dépouillement esthétique de la structure des idéogrammes calligraphiés,Huai-su poussa la perfection du caoshu extravagant à son sommet. Et malheureusement après lui, cette perfection, passée à la postérité, n’a plus jamais été atteinte.

Photo : "L'art de la calligraphie chinoise à travers les âges"(China book Intercontinental Press -Ed /01/2009)
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lundi 8 mars 2021

LE MOINE IVROGNE HUAI-SU - 2

 ... S’aider des célébrités


L’ivresse n’a pas érodé sa lucidité ni son bon sens de la

vie. Le jeune moine aimait fréquenter les gens au pouvoir et les célébrités de l’époque.

Il contacta le préfet de sa région, le fonctionnaire d’état Wang Yong qui  le recevait volontiers dans son bureau, appréciant son style fou de la belle calligraphie. Car ce fonctionnaire était lui-même un important calligraphe de l’époque. Au bout de quelques années d’excellente entente, le préfet composa un poème intitulé « Ode au caoshu de l’ermite Huai-su », le couvrant de mots élogieux !

Rapidement Huai-su ne se contenta plus de sa renommée limitée aux alentours de son district. Il quitta son village et vint vivre dans l’importante ville culturelle Hengyang de la province du Hunan. Il fréquentait des lettrés connus, leur montrait ses œuvres calligraphiques appréciées de tous. Très rapidement son nom courut sur toutes les lèvres à travers la province du Hunan. Par ses contacts avec d’autres calligraphes, il se rendit compte de la faiblesse de ses traits brisés et de la lourdeur de ses traits arrondis. Il apprit aussi le principe selon lequel, les traits n’étaient en fait que le reflet des brindilles d’herbe et des chutes d’eau de montagne. Il commença donc à observer plus attentivement les roseaux dénudés, les bambous de fin d’hiver et les arbres d’automne… son esprit fut frappé par cette nature épurée par le froid et le vent qui emportaient toute la décoration (feuilles, fleurs ) de la nature qui, donc, ne gardait que l’essentiel (tige, branche, brindille ). D’où naquit l’abstraction de sa calligraphie au caoshu extravagant .


Qui aidait Huai-su ?


朱遥 Zhu Yao fut un personnage très important pour que  rayonne dans l’empire des Tang le caoshu extravagant de Huai-su. Grand lettré et ermite bien connu dans la province du Hunan, Zhu Yao faisait l’éloge de ce style calligraphique dans les hauts milieux de la culture. L’alcool aidant, ces deux intellectuels s’entendaient parfaitement et faisaient souvent danser leur pinceau sur le même papier de riz. Zhu Yao allait les exposer dans son salon fréquenté par les célébrités littéraires et artistiques. Huai-su fut ainsi pompeusement introduit dans la haute société provinciale.

Un jour, Zhu Yao dit à Huai-su : « Maintenant tes deux ailes sont déjà bien fermes, tu dois voler vers un horizon plus lointain et plus large : tu vas pouvoir te débrouiller dans la capitale Chang An. »


张谓Zhang Wei fut le deuxième personnage qui aida beaucoup Huai-su dans son envol vers le sommet de sa gloire.

Zhang Wei, important poète et calligraphe de l’époque, avait une fonction prépondérante à la cour impériale : il assuma pendant des années les fonctions du ministre des Rites de la dynastie des Tang. En l’an 767, alors qu’il était   préfet du Hunan, il recevait souvent chez lui Huai-su pour boire abondamment de l’alcool et puis pour pratiquer ensemble la calligraphie dans une grande ivresse. Les deux ivrognes s’appréciaient intimement. 

Quand Zhang Wei fut appelé par l’empereur au ministère des Rites, il emmena donc son ami Huai-su avec lui et l’installa dans une grande maison à Chang An capitale de l’empire. On voyait la silhouette de Huai-su à toutes les fêtes organisées dans le grand salon de reception du ministre. Le calligraphe extravagant brillait alors au firmament de l’empire céleste. Les historiens d’alors n’hésitaient pas à dire que la capitale impériale était balayée par la « tornade de l’extravagance de Huai-su ».

Des années plus tard, dans son livre intitulé « Modèle calligraphique  d’auto-biographie » 

自叙帖

Huai-su remercia plusieurs fois ce ministre « bienfaiteur ».

En effet, la vie à Chang-an marqua une nouvelle étape de sa calligraphie . Promu par son ami ministre, Huai-su put rencontrer les plus grands calligraphes de l’empire, et admirer leurs œuvres dans tous les styles, par exemple, c’est chez un collectionneur connu qu’il put voir des manuscrits du roi de calligraphie Wang Xizhi 王羲之 ainsi que ceux de son fils Wang Xianzhi 王献之 ce qui l’impressionna énormément.

Wang Xiangzhi


Wang Xizhi
 

                                                                                                                                (à suivre...-)