Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
L'administratrice : Sérénité'art

mardi 27 novembre 2018

ZHANG JI (张继) ....ET MON PREMIER POÈME D'ENFANCE.


Mes grands-parents maternels sont originaires de Suzhou ( 苏州 ), située à 80 kilomètres de Shanghaï. Cette petite ville, réputée comme  la Venise de lExtrême Orient, est sillonnée et nourrie par de multiples rivières et ruisseaux qui offrent un paysage pittoresque et un terroir propice à la culture de bonsaï. J’y ai passé une grande partie de mon enfance et de mes vacances scolaires chez mes grands-parents. J’en garde de merveilleux souvenirs.
Un soir d’été, quand j’avais 5 ans, mon grand-père et moi nous promenions le long de la rivière qui longe le quartier pavillonnaire où se trouvait notre grande maison composée de plusieurs pavillons et d’un joli étang. Bientôt nous arrivâmes  sur un pont déjà illuminé par des lanternes rouges. Adossé à une balustrade du pont, mon grand père, en caressant sa petite moustache, fredonna ce poème
枫 桥 夜 泊
张   继

月落乌啼霜满天
江枫渔火对愁眠
姑苏城外寒山寺
夜半钟声到客船
Zhang Ji (8e siècle)
Une nuit près du Pont des érables
La lune décline
Les corbeaux se lamentent
Le ciel est plein de givre
Au bord de la rivière
Les érables s’illuminent aux feux des pêcheurs
Je sombre dans un sommeil mélancolique
En dehors de la ville de Gusu
Se dresse le temple de Hanshan
A minuit le tintement de sa cloche
Parvient jusqu’à ma barque
Il brandit son bras droit dans la direction d’un temple et me dit tout doucement :


« Voilà le fameux temple de Hanshan, A l’origine c’était un temple taoïste,  sous la dynastie des Tang il fut dirigé par le célèbre ermite Hanshan. Il est donc couramment appelé Temple de Hanshan »
Ensuite, mon grand-père me répéta et expliqua chaque vers de ce poème  que je redisais après lui jusqu’à pouvoir tout le réciter.
Ce fut mon premier poème d’enfance !
Effectivement sur le pont ce soir-là, je voyais des bateaux de pêcheurs dont les feux illuminaient les vaguelettes de la rivière, j’entendais des croassements de corbeaux revenus dans leurs nids haut perchés dans les branches de platanes. Un paysage envoutant, mystérieux et paisible.
Depuis ce soir-là ce petit poème ne m’a plus jamais quitté, Que je sois à Shanghaï, à Pékin, au fin fond de la chaîne de montagne Zhongtiao (où je passais mes années douloureuses pendant la révolution culturelle de Mao), ou bien à Paris, ce poème me rappelle toujours mon heureuse enfance !
Photo/ net - Statue de Zhang Ji

En automne 1996, j’ai été invité à animer un stage de calligraphie à Avignon. Ce fut une belle occasion pour moi de visiter ce célèbre pont d’Avignon. Alors que je le traversais, l’image du pont des érables du poème de Zhang Ji envahit mon cerveau, et à mes oreilles sonna la voix de mon enfance qui me chuchotait alors « Sur le pont d’Avignon… » que j’avais chanté à Shanghaï avec mes petits copains français. Le pont des érables et le pont d’Avignon se fusionnaient dans mon esprit. J’étais envahi par des délices indescriptibles et innommables.
Quel bonheur !
Chaque fois que je récite le poème de Zhang Ji, je vois mon grand-père sur le pont des érables, souriant, heureux, caressant sa petite moustache. Cette image m’a beaucoup encouragé à supporter les souffrances physiques et morales de mes années de prison pendant la révolution culturelle.
Mais cette image m’accompagne aussi dans mes jours et mes moments heureux à Paris, surtout lorsque la solitude me saisit. Elle m’aide à savourer les délices du silence.

mercredi 14 novembre 2018

孟浩然:浩气长存的诗人 MENG HAORAN : POETE D’ÂME NOBLE - 4


Amitié pour Wang Wei


A 40 ans ( en l’an 728), Meng Haoran vint s’installer dans la capitale Chang An de l’empire de la dynastie des Tang. Ce séjour avait deux buts : 
-- d’abord, visiter la capitale et ses alentours et rendre visite à des amis lettrés tels que Wang Wei pour qui il nourrissait une grande amitié !
 -- ensuite passer l’examen impérial afin d’obtenir un poste au gouvernement et à l’Académie impériale.
Durant les deux mois d’attente du résultat de l’examen, il fréquenta Wang Wei. Ils composèrent ensemble des poèmes, ainsi naquit chez Meng Haoren une grande admiration pour le grand Maître. 
Hélas, au jour de l’annonce des résultats, son nom ne figurait pas sur la liste des candidats reçus.
Fort déçu, il invita Wang Wei dans un petit salon de thé. Plusieurs coupes de vin avalées, sous l’effet de l’alcool et de la tristesse, il prit son pinceau et improvisa  sur le papier ces huit vers :

留别王维

寂寂竟何待  朝朝空自歸
欲尋芳草去  惜與故人違
當路誰相假  知音世所稀
只應守寂寞  還掩故園扉 


Adieu à Wang Wei

Instants si calmes
Que peut-on encore espérer?
Heures si médiocres
Je rentre chaque jour sans rien avoir obtenu
Je voudrais retourner en ermitage 
auprès de mes fleurs et de mes herbes
Au grand regret de vous quitter mon cher ami
Qui voudrait m’aider vraiment sur ce chemin ?
Il existe trop peu d’amis intimes en ce monde
Je dois garder toujours ma vie solitaire
Et bien fermer la porte en branchage de ma cour

Le poète se lamentait du résultat médiocre de son examen et exprimait son désir de reprendre sa vie solitaire en ermite, tout en déclarant son regret de dire adieu à son grand ami Wang Wei.  

 Retour à la vie solitaire 归隐

Après l’échec à l’examen impérial, Meng Haoran sombra dans la déception et noya sa tristesse dans des coupes incessantes d’alcool. Il se lamentait de ne pas avoir d’amis qui pouvaient l’aider à accéder à la haute société de la capitale Chang An.
Un jour, son ami Wang Wei vint à son hôtel lui annoncer une excellente nouvelle : quelques amis hauts placés, tels le grand poète  Zhang Jiuling alors premier ministre de l’empire, et l’immense lettré Li Shizhi, avaient parlé de son talent poétique à l’Empereur Xuanzhong qui finit par accepter de recevoir Meng Haoran.
Celui-ci, ému et étonné, composa le poème suivant pour cette
grande occasion tant attendue :

暮岁归南山
北阙休上书,南山归敝庐。
不才明主弃,多病故人疏。
白发催年老,青阳逼岁除。
永怀愁不寐,松月夜窗虚。

( photo 6 )

 Retour à la montagne du sud à l’âge crépusculaire

Dans le pays nord il ne faut pas écrire à l’empereur
Je préfère retourner à la montagne du sud dans ma pauvre chaumière
Je n’ai pas de talent et le monarque clairvoyant me rejette
Malade je suis abandonné par mes amis
Les cheveux blancs poussent à la vieillesse
Le soleil printanier chasse les années qui me restent
Triste je ne trouve plus le sommeil
Au clair de lune, près du pin
mes fenêtres m’offrent le vide nocturne

Pendant la réception impériale, Meng Le Noble récita ce poème rempli de lamentation et de mécontentement, et l’empereur tourna le dos, s’en alla dans une colère bleue.
Peu de temps après, notre grand poète fort déçu et triste quitta la capitale et retourna à Xiangyang. Il y mourut peu de jours après son retour, dans sa demeure solitaire.


lundi 5 novembre 2018

孟浩然:浩气长存的诗人 MENG HAORAN : POETE D’ÂME NOBLE - 3


Un poème connu de tous les Chinois !


En Chine, à la campagne comme en ville, les enfants qui apprennent à réciter à l’âge de 4 ou 5 ans des poèmes, commencent par « Aube printanière » ( 春晓 ) de Meng Haoran. 

Ecrit il y a environ 1500 ans, ce petit poème simple et limpide est très facile à comprendre, car ses mots sont encore utilisés de nos jours. 

Lisons ensemble ce bijou :

春晓
春眠不覺曉
處處聞啼鳥
夜來風雨聲
花落知多少


Aube de printemps

Au printemps le sommeil dure au-delà de l'aube
De tous côtés parvient le chant des oiseaux
La nuit est à peine troublée par le murmure du vent et de la pluie
Qui sait combien de fleurs sont tombées cette nuit?

Shi Tao - fleurs de prunier
à Lingtai

Cet écrit lyrique ressemble à un doux cours d’eau qui coule joyeusement vers le lointain. Tous les grands poètes chinois s’accordent à dire que c’est la meilleure ode du printemps. 
....Qu’en pensez-vous, mes chers lecteurs ?