La salle est bondée. Y règne un murmure feutré.
Tous les grands calligraphes pékinois sont là, pour dire adieu à l’année du coq et saluer le Nouvel An lunaire du chien.
C’est une rencontre organisée sous les auspices de l’Académie pékinoise des calligraphes-peintres-graveurs de sceaux de la ville. J’y suis invité. Quel honneur ! C’est un dîner grandiose et protocolaire conçu dans la tradition chinoise. Je suis, bien gêné devant tant de compères tous plus illustres les uns que les autres ! Tant de cérémonies, à mes yeux assez pompeuses, car ma vie parisienne m’a habitué à la simplicité en me ciselant littéralement comme un ermite. A cette occasion, Monsieur Qiu, le Vice-Président de l’Académie pékinoise, me conduit dans un couloir désert et me dit d’un ton assez ferme :« Dis-moi, mon Cher Ami, on ne te voit pas souvent. D’abord je te remercie pour tes 5 œuvres remarquables offertes à notre Académie !"
Mais notre président poursuit une autre idée :
“Peux-tu calligraphier le Dao De Jing sur un long rouleau ? Notre Académie collectionne les œuvres de toutes les sommités de la calligraphie : tu es dans notre liste. »
Surpris, j’hésite, ne sachant pas comment répondre.
Mais il continue : « C’est une commande. Notre Académie l’honorera généreusement… »
Je m’empresse de le couper : “non, ce n’est pas ça.... Je voudrais … ». Dans un large sourire de son visage bien gras, il dit avec un grand geste du bras droit, comme s’il voulait faire avec son pinceau le point final de notre conversation :
« Dans 15 jours, mon secrétaire va chez toi chercher l’œuvre ! » Il tourne les talons et retourne dans la grande salle.
C’est ainsi que j’ai reçu cette commande (qui m’a fait l’effet d’un ordre à la manière d’un haut responsable communiste s’adressant à son inférieur ).
Cette commande m’arrive juste 10 jours avant mon retour à Paris. Je n’ai donc pas de temps à perdre et je travaille d’arrache - pied.
Chaque jour je calligraphie plus de 15 chapitres :
ainsi ai-je pu terminer ce grand chantier, in extrémis, juste à la veille de mon retour en France.
Le jeune secrétaire vint chercher mon travail vers 9 heures, au matin du jour de mon départ, puis, plus tard, il m'appela depuis son bureau, pour me déclarer que "le Président de l’Académie était très content de cette œuvre gigantesque" .
A ce moment là, j’étais déjà à l’aéroport
Quels sont mes sentiments ?
Je suis gêné face à ces gros bonnets si enthousiastes !
Je suis étonné par cette commande inattendue !
Je suis soulagé de savoir que mon œuvre plaise à mes collègues chinois ! "
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire