Suite et fin...
Bertrand V : J’ai cherché à Paris comme à Genève du bon papier de riz, j’ ai trouvé plusieurs produits chinois :
1 Wenzhoupizhi 温州皮纸 qui est très blanc et solide, mais il n’absorbe presque pas l’eau. L’encre doit rester très longtemps sur le papier pour sécher.
温州皮纸 - Wenzhoupizhi |
2 Jiugongzhi 九宫纸 de couleur jaune paille, format A3, rayé et divisé en 24 carrés, chacun étant divisé en 9 petits carrés .
3 Mizigezhi 米字格纸 aussi de couleur jaune paille, format A3, divisé en 4 petits carrés traversés par deux lignes diagonales.
米字格纸 - Mizigezhi
Pourriez-vous parler de ces papiers ?
Shi Bo : J’ai essayé une fois chez un ami calligraphe Wenzhoupizhi 温州皮纸dont la texture est très serrée : il n’absorbe presque pas l’encre, on n’arrive pas à avoir l’effet du développement de l’encre sur le papier 云烟状, c’est très frustrant. En fait c’est un papier industriel pas cher et il faut dire que mon pinceau ne l’aime pas beaucoup !
Quant à Jiugongzhi 九宫纸 et Mizigezhi 米字格纸, très jaunes, relativement grossiers, ils conviennent assez bien pour les débutants qui n’en sont pas encore à l’étape de créer des œuvres qui exigent un bon papier.
Bertrand V : Quelles sont les exigences à propos des couleurs du papier de riz ?
Shi Bo :
Le Xuanzhi traditionnel est blanc. Mais quand on regarde plus attentivement, on constate que ce blanc présente beaucoup de nuances.
Le Wenzhoupizhi 温州皮纸 dont vous avez parlé est trop blanc pour être doux. Il est tellement pâle que les calligraphes ne le choisissent pas pour créer leurs œuvres car ils le trouvent blafard.
Le papier de riz de couleur paille paraît trop brut, il n’est pas noble, d’ailleurs il est souvent très râpeux, de qualité médiocre.
Le meilleur xuanzhi blanc est en fait d’un jaune ivoire qui offre une douceur aux yeux. C’est un blanc noble que les calligraphes recherchent.
Il y a aussi des papiers pré-imprimés de motifs traditionnels, et mouchetés d’or ou d’argent, on a l’embarras de choix. Chez moi j’en conserve toujours une vingtaine de haute qualité.
Bertrand V : Est-ce que l’épaisseur du papier a aussi une influence sur le choix des calligraphes chinois ?
Shi Bo : Bien sûr.
Le Xuanzhi épais et renforcé, destiné à un usage spécifique ( par exemple pour créer une œuvre qui ne doit pas être marouflée ) est généralement fragile, facile à casser ;
Le Xuanzhi léger est bien mince et doux, semi-transparent et pourtant résistant, il est très utilisé par les artistes qui voyagent beaucoup dans la nature pour faire des croquis ou brouillons.
Depuis l’époque où je travaillais sous la houlette de mon maître Xia, j’utilise toujours du Shengxuanzhi 生宣纸 ni épais ni mince, de la marque 金鹿 (cerf doré ) qui me convient dans ma création.
金鹿 - cerf doré |
Bertrand V : Il y a une dizaine d’années, j’apprenais la calligraphie avec un professeur âgé venu de Hong Kong ; il m’avait dit que le bon papier de riz a deux côtés : l’un est lisse, l’autre râpeux, il les appelait 正面 l’endroit et 反面 l’envers. Il calligraphiait toujours sur l’envers car, disait-il, la face râpeuse donnait la sensation du mouvement de l’énergie des doigts qui tenaient le pinceau. Est-ce vrai ?
Shi Bo : En général, on aime travailler sur l’endroit qui est lisse et où le pinceau sillonne joyeusement, sans résistance du papier. Mais ce que ton maître hongkongais avait dit se produit aussi chez moi : quand l’émotion est longuement préparée à un point bien élevé, cette résistance du papier au pinceau peut aider à mettre en valeur la dextérité du poignet du calligraphe.
Et puis, si le papier est très râpeux, quand le pinceau vole rapidement dessus, on peut créer de très beaux feibai 飞白 ( le blanc s’envole dans le noir ) recherchés et appréciés par tous les calligraphes chinois, car le feibai 飞白 donne beaucoup d’espace à l’imagination esthétique chez les « calligraphiles »
Bertrand V : J’ai appris beaucoup de choses auprès de vous, merci sincèrement !
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