Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
L'administratrice : Sérénité'art

mardi 21 avril 2020

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 8 - (SUITE)

Elisabeth B. : Comment les calligraphes chinois préparent-ils cette émotion "fermentée à point" ?

SHI Bo : Chez nos anciens, aussi bien Wang Xizhi, Wang Wei, Tao Yuanming, Li Bai que Du Fu, Huai Su et Zhao Mengfu, le vin leur servait de ferment idéal !

A notre époque le bon thé remplace le plus souvent le vin. Quant à moi, avant de me lancer, je bois toujours plusieurs tasses de thé chaud dans le silence ; le thé chaud et le silence m’aident à trouver l’intuition et la bonne émotion esthétique.

Elisabeth B. : Je vous comprends parfaitement. D’ailleurs mon professeur de peinture dit souvent comme vous.

SHI Bo : Concrètement parlant, le premier critère de la beauté de l’œuvre calligraphique est de voir si la création est animée d’émotion (3). Regardant une belle œuvre  avec recul, on peut sentir si elle diffuse ou transmet une forte sensation heureuse, plaisante ou apaisante. A ce moment-là on peut dire qu’elle est réussie.

Elisabeth B. : vous m’avez souvent dit cela. Mais comment peut-on atteindre ce niveau ?

La Beauté réside dans le mouvement !

SHI Bo : On peut atteindre ce niveau à travers de nombreux exercices sur la disposition de chaque trait et de chaque mot. Cela veut dire que l’expérience joue un rôle important . Plus ton pinceau est "âgé", mieux est cette disposition ! Par exemple lorsque tu traces un trait allongé avec exagération, ou bien un mot tout petit aux traits très fins ; tout cela est certes technique, mais ce procédé demande une ingénieuse conception calligraphique et aide beaucoup à donner à l’œuvre du mouvement, de  l’énergie et de l’élégance.
Elisabeth B. : C’est ce que vous  dites souvent : la beauté réside dans le mouvement 
 美出于动 



SHI Bo : Tout à fait.

Et puis, la philosophie chinoise exige qu’une belle œuvre calligraphique soit absolument  harmonieuse à tous points de vue : harmonie entre le noir de l’encre et le blanc du papier, entre les lignes elles-mêmes, entre le début et la fin, entre le haut et le bas, et surtout entre le mouvement et la stabilité des traits. Cette dernière harmonie est un grand sujet qui mérite un peu de développement.

Elisabeth B. : Je vous en prie.

SHI Bo : Les traits qui peuvent donner l’impression du mouvement sont des  tracés tantôt vigoureux et épais, tantôt fins mais très sûrs. L’auteur les alterne savamment dans une même œuvre, sur une même colonne de mots, et  surtout dans le même idéogramme ; cela éblouit le regard, on sent donc beaucoup de vibration dans l’art calligraphique, car cette alternance est riche en mouvements esthétiques. 

Accordons maintenant un moment à ce phénomène technique dit en chinois feibai 飛白qui est abondamment et ingénieusement utilisé par nos grands maîtres de calligraphie. Je traduis ce concept feibai en français par :
« voltigement du blanc ». 
Lorsqu’on dose bien la quantité d’encre retenue par les poils du pinceau, on peut réaliser de splendides voltigements du blanc dans l’encre noire posée sur le papier de riz. 
    
飛白

Le mouvement calligraphique ainsi réalisé offre alors une très grande beauté, qui émeut et qui vibre forcément sur la corde émotionnelle du spectateur. 

Cette vibration heureuse est vraiment très recherchée et particulièrement appréciée par les experts de calligraphie. 

On apprend cette technique dans l'exercice d'une pratique inlassablement répétée. 

"Paris ne s’est pas bâti en un seul jour !"
                                

                              (à suivre...)

mardi 14 avril 2020

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE - 8

Comment bien calligraphier ?

怎样書法得美


Elisabeth B. : Bonjour Cher Professeur, je vais bientôt finir mon cursus de perfection ! Mes cours s’accélèrent sensiblement, cela m’aide énormément. Une question me tient à cœur : est-ce qu’il y a des règles ou quelques procédés pour “faire jolie la calligraphie ?”

SHI Bo : Oui, chaque chose a ses règles et « faire la belle calligraphie » ne fait pas exception. En fait, durant tant d’années de cours avec moi, tu as déjà appris et maîtrisé certaines règles de beauté calligraphique car je t’en ai parlé occasionnellement  tout au long de nos cours, par exemple : l’harmonie qui est un large sujet déterminant pour la beauté de l’œuvre.

Elisabeth B. : Certainement, l’harmonie entre les idéogrammes, entre le yin et le yang, entre traits charnus et traits légers…



Emotion mijotée “au bon point”
SHI Bo : Aujourd’hui, nous pouvons en parler de façon générale et un peu théorique. Je voudrais commencer par l’esprit qui est maître du pinceau. Je veux dire par là que la beauté de l’œuvre vient d’abord de la beauté de l’esprit de l’auteur. En termes concrets, l’état de l’esprit de l’auteur est décisif quant à la beauté de l’œuvre qu’il crée.
D’abord, “la beauté de l’esprit” signifie que l’esprit est "dans son meilleur état" . 
Tu sais que la création calligraphique est une expression artistique de l’émotion heureuse de l’artiste. Si cette émotion est bien mijotée jusqu’au bon point, le pinceau suivra mieux l’esprit. 
En chinois, on dit que 'l’esprit est ému à point'  :

心意到位


Mon Maître Xia me répétait souvent : "Si ton émotion n’est pas au point, il ne faut jamais forcer ton pinceau à danser".

C’est pourquoi avant de prendre le pinceau pour le faire danser sur le papier de riz, il faut préparer l’émotion qui monte et s’harmonise jusqu’à tel point qu’on se sente gagné d’une grande envie de commencer “la danse du pinceau à l’encre”. On éprouve alors un immense plaisir à calligraphier .

Si un jour tu n’es pas “dans ton assiette”, la sensibilité, l’inspiration et l’émotion seront “à plat” : alors il ne faut pas forcer ton pinceau à travailler.
Ensuite, l’état de l’esprit au bon point signifie aussi la sérénité : on se sent en harmonie  avec l’ambiance et avec soi-même. C’est la bonne condition de la belle création artistique. Quand on est serein, le pinceau l’est aussi , la communion, l’unisson, s’en suivent naturellement .... (à suivre)

vendredi 3 avril 2020

MES EXERCICES CALLIGRAPHIQUES


Actuellement, la vie étant perturbée par la propagation du coronavirus, je m’enferme des jours entiers dans mon petit nid où je passe le temps à lire, à calligraphier et à fredonner des poèmes de la Dynastie des Tang.

Quelques poèmes des Tang chantant le printemps me procurent beaucoup de plaisir dans cette vie désertique , monacale , cloîtrée entre quatre murs. 
Je ne cesse de lire et de réciter le poème de  Yu Liangshi ( 于良史 ) intitulé《春山夜月》( Montagne nocturne au printemps au clair de lune ). 
Les deux premiers vers m’envoûtent car ils traduisent bien mon état d’esprit actuel qui, désoeuvré,  aime errer sous la lueur de la lune. Emu par cette description lyrique, je fais appel à mon cher pinceau pour me lancer dans mon exercice calligraphique.  
春山多勝事
Au printemps la montagne emplie
de nombreuses merveilles

賞玩夜忘歸
J’en jouis jusque très tard dans la nuit
oubliant le retour


.... la suite du poème : 
....Les deux mains jointes je prends de l'eau 
et la lune est dans le creux de mes mains
Je caresse les fleurs
et mes vêtements en sont parfumés
Emporté par la joie
Je me moque de la longue route parcourue
Je regrette de quitter ces fleurs odorantes
Mes regards se dirigent vers le sud où la cloche résonne

Un pavillon se cache dans la verdure profonde !