Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
L'administratrice : Sérénité'art

jeudi 17 octobre 2019

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 6 - PATIENCE ET EXCELLENCE - suite

... Jean G : L’excellence ?  C’est-à-dire la perfection.

Shi Bo : Oui, si tu veux. L’excellence veut dire que l’imitation de l’élève et le modèle du maître partagent la même respiration, en d’autres termes, le travail de l’élève présente la même allure, la même tendance, le même souffle que celui du maître. 
Cliquer sur les calligraphies pour les agrandir


La ressemblance graphique 形似) de limitation au modèle ne suffit plus, car elle nest que ressemblance technique, extérieure, superficielle. 

La même allure est en fait la ressemblance intérieure, sentimentale, spirituelle 神似 ) , donc  profonde et  très difficile à exprimer.

Jean G : Avez – vous des élèves qui peuvent atteindre cette même allure ?

Shi Bo : Je peux te dire que oui, avec fierté. Pour t’en convaincre, tu peux lire  :

« Passion à l’encre » et « Chemins calligraphiques ».

Jean G : Est-ce que tous vos élèves peuvent suivre votre cursus de l’excellence ?

Shi Bo : Oui, en principe. Je dis bien « en principe ». 

Jean G : C’est-à-dire ?

Shi Bo : Je m’explique : Pendant ma transmission de connaissance de la calligraphie chinoise, je constate que pas mal de gens viennent apprendre la calligraphie avec un planning limité, ils cherchent la vitesse, en désirant sauter certaines étapes. 
Ces élèves veulent généralement aller vite au bout du cursus sans trop de patience pour apprendre la maîtrise du pinceau 駕馭毛筆  ) et de lencre. 


Dans la pratique, ce désir daller vite se traduit dans des traits qui sont fréquemment fébriles et incomplets, car ils anticipent beaucoup trop le suivant, c’est-à-dire que quand ils tracent un trait, ils pensent déjà au trait suivant. Ainsi, ces traits sommairement tracés  sont-ils  incomplets.
Pire encore, plusieurs élèves pendant ces 20 dernières années m’ont demandé même d’arrêter au milieu d’un cursus pour se lancer dans le suivant !
Jean G : J’ai aussi ce défaut, j’anticipe souvent le trait suivant, mais je n’ai jamais envie de brûler les étapes.
Shi Bo : C’est pourquoi je te répète souvent : « patience », tes traits sont bien élégants et gracieux. 
J’espère que tu vas suivre ce stade de perfection sereinement  et avec patience dans ton pinceau… tout en cherchant l’excellence avec moi.
Jean G : Quel rythme est le mieux adapté  ?
Shi Bo : En général, deux séances ( 4 heures ) par mois sont appréciables et profitables. Tu as un métier bien prenant, mais tu as toujours pu venir deux fois par mois. Ton travail est bien constructif  et le résultat, grandement  réjouissant.
Jean G : Merci ! Vous êtes gentil ! Je veux bien m’engager dans ce cursus de l’excellence.

samedi 12 octobre 2019

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 6 - PATIENCE ET EXCELLENCE

耐心与卓越
A la rentrée, début septembre, 
mon élève et ami Jean G. a commencé un de ses derniers cours du cursus   
« Poèmes et sentences en calligraphie style Herbe folle ». S’inquiétant pour ce qui suit ce niveau, il me posa un certain nombre de questions. Ainsi se déroula notre conversation :

Jean G : J’aimerais savoir si après ce cursus, il y a encore d’autres cours.

Shi Bo : En principe, « Poèmes et sentences en calligraphie style Herbe folle» est le dernier cursus du programme d’enseignement que je pratique depuis plus de 20 ans pour mes élèves en France. Au bout de celui-ci, l’élève a fait connaissance avec  le kaishu, le kaishu libre, le xingshu et  le caoshu, c’est  un parcours déjà assez long et complet. Mais si l’on veut, on peut toujours poursuivre ce chemin que tu as commencé il y a 14 ans.

Jean G : Sachant que je suis encore débutant sur ce long parcours, je veux bien continuer à venir suivre vos cours qui me plaisent énormément. Est-ce que vous avez encore un autre cursus ?

Shi Bo : Oui. Deux perspectives s’offrent à toi. Primo, je le répète souvent, tout calligraphe digne de ce nom doit connaître et  bien pratiquer le sigillaire qui est à l’origine de l’écriture et de la calligraphie chinoises. Tu as déjà fait plusieurs stages de sigillaire avec moi.

Jean G : Et secundo ? J’ai hâte de le savoir !

Shi Bo : Secundo, j’ai préparé un nouveau niveau pour plusieurs élèves qui m’ont suivi pendant plus de 15 ans , il est intitulé « Cours de l’excellence ». 

Jean G : Excellence ! Cela m’intéresse beaucoup, voudriez-vous m’expliquer un peu ?

Shi Bo : Volontiers ! Comme tu le sais, mon enseignement de calligraphie se caractérise par la recherche de la perfection, de l’excellence. La banalité ou l’à-peu-près du niveau artistique de mes élèves ne sont pas permis dans mon enseignement, je vise plus haut, je cherche la perfection, l’excellence du niveau calligraphique de mes élèves. 

Jean G : Exactement ! Pendant 14 ans je sens que votre enseignement fut très sérieux, pratique et scientifique. Vous n’avez jamais livré des démonstrations théâtrales, vos cours ont toujours été rigoureux et très techniques. 

Shi Bo : Le nouveau cursus  « Cours de l’excellence » me permet de réaliser ce but - l’excellence- . Mon livre « Passion à l’encre » que j’ai publié avec Elisabeth Bourgeas  en est une preuve éclatante. Ce livre est chaleureusement apprécié en Chine par mes anciens collègues calligraphes.

Jean G : Voudriez-vous en parler un peu  ?   
Shi Bo : Bien sûr. Pour aller plus loin dans la maîtrise du pinceau et de l’encre et pour connaître mieux l’âme de la culture chinoise, j’ai rédigé moi-même 50 sujets (pour 50 cours) sous forme de sentences et de vers poétiques. En d’autres termes, chaque sujet est composé de deux phrases courtes, avec 5, 7 ou 9 caractères. A chaque séance de deux heures de travail, on ne fait que 10 à 15 mots.

Jean G : Seulement ! Mais vous avez raison : on pourra minutieusement travailler tous les détails.

Shi Bo : Exactement.  Chaque détail compte, chaque trait importe, l’élève imite le modèle trait par trait jusqu’au moindre méandre du mot et du vers poétique. Pendant ce cursus, on ne cherche pas la vitesse, mais la finition. En un mot, on vise l’excellence :  卓越  !


 (.... À SUIVRE)

dimanche 29 septembre 2019

AU GRÉ DU PINCEAU - 1


Il y a quelques années.....
         j’ai signé un contrat avec un éditeur pour écrire et publier un livre sur l’apprentissage de la calligraphie chinoise. Prêt au bout d’un an de travail, le manuscrit n’a pu voir le jour, l’éditeur ayant disparu, absorbé par une grande maison d’édition.
    Depuis, je laisse mon manuscrit dormir tranquillement dans mon ordinateur. Ces derniers temps, je reçois des demandes de conseil pour mieux apprendre la calligraphie chinoise, et cela me donne l’idée de 
« réveiller » mon texte sur ce sujet. Réflexion faite, je décide donc de profiter de mon blog pour en publier certains chapitres au fur et à mesure.
Voici des extraits de ce livre intitulé « Au gré du pinceau » :



SHI  BO

随筆翩翩
AU GRE DU PINCEAU
( Comprendre et apprendre la calligraphie chinoise )


1
Avant-propos


     La pensée taoïste est basée sur un principe fondamental selon lequel notre univers existe grâce à la parfaite harmonie entre le yang et le yin.
     Le taoïsme prône que l’est d’où monte le soleil est rempli du yang ; il doit, pour être équilibré, y avoir nécessairement autant de yin ; ce yin est constitué, dans la terminologie chinoise, par les Quatre Mers qui bordent l’est de l’Empire du Milieu. C’est pourquoi dans la philosophie chinoise l’eau est le symbole du yin.
      Le taoïsme nous enseigne que l’ouest où descend notre soleil est plein de yin qui doit être équilibré par autant de yang. Toujours dans l’esprit chinois ce yang n’est autre que les hautes montagnes himalayennes bordant l’ouest de l’empire.
       Dès lors dans la mentalité chinoise, l’eau équivaut au yin et la montagne, au yang.
     L’immense territoire chinois est bordé à l’est par un équilibre entre le lever du soleil (yang) et les étendues infinies d’eau ( yin) et est nourri à l’ouest par un équilibre entre le coucher du soleil (yin) et les hautes montagnes (yang).
    Ce qui est encore plus étonnant, c’est que cette étendue infinie du territoire mythique s’incline de l’ouest vers l’est et est arrosée par deux grands cours d’eau tout aussi mythiques : le fleuve Jaune au nord et le fleuve Bleu au sud. Ces deux Fleuves-Mère (母亲河 les Chinois les vénèrent ainsi) tirent tous deux leur source au fin fond du haut plateau tibétain et constituent les deux grands berceaux de la civilisation chinoise. Ils garantissent le parfait équilibre du grand cycle du yin-yang , établissant en fait un lien important entre les montagnes de l’ouest et les Quatre Mers de l’est. 
      Ce qui nous étonne ne s’arrête pas là, cet immense territoire est solidement fixé sur notre Terre, au centre et aux quatre points cardinaux,  par Cinq Monts sacrés, ce qui a favorisé la conscience et le développement d’une pensée de l’Espace chez les anciens Chinois. Ils valorisent donc plutôt l’Espace qu’ils divisent, au détriment d’une pensée du Temps, en deux parties : le yin et le yang, qui sont partout en équilibre. D’où la notion de symétrie et la notion de dualité.
La théorie de la symétrie et celle de la dualité ont eu une influence primordiale dans la création des caractères chinois et notamment dans l’art calligraphique. En effet, la plupart des caractères chinois sont composés de deux parties, symétriquement disposées à gauche et à droite d’un axe. Tous ceux qui apprennent la calligraphie chinoise savent que l’axe du caractère est le garant de la beauté esthétique de cet art graphique et que le moindre écart par rapport à cet axe détruit l’équilibre de l’oeuvre, par conséquent son esthétique.
Les Chinois pensent aussi que tout espace est animé des Souffles Originels ,
元气 )

 autrement dit des Souffles Suprêmes qui permettent, selon tout taoïste, de remonter à lorigine du Vide Originel... 
元虚 ) 
à savoir lEspace Originel doù sont nées toutes les choses réelles, dit Lao Zi, auteur du fameux livre : Dao De Jing 
(道德经


...et père du taoïsme.
Animés de cette perception fondamentale de l’univers, les calligraphes chinois considèrent que chaque caractère calligraphié constitue un espace relié à l’Espace Originel ; par conséquent, chaque calligraphie doit avoir une vie liée aux Souffles Suprêmes. Ils cherchent donc inlassablement à insuffler à leur création, à travers diverses techniques du pinceau imbibé d’encre, des souffles esthétiques. 
Comme les Souffles Suprêmes sont infiniment sublimes et totalement harmonieux, la calligraphie est un chemin de perfection artistique  inlassable et inépuisable. 
Telle est ma devise qui me guide depuis plus de soixante ans et qui me pousse toujours vers de nouveaux horizons esthétiques
                        Shi Bo
Printemps 2010
 année du tigre
Relu août 2019
Année du cochon
Paris

jeudi 12 septembre 2019

J'AIME L'AUTOMNE

我爱秋天
J’AIME L’AUTOMNE

Le 13 septembre, vendredi, c’est le 15e jour du 8e mois de l’année lunaire chinoise ; c’est donc la Fête de la Lune des Chinois qui marque  le changement dans la nature,  du yang au yin. 
Le Taoïsme définit que les dix mille choses, de l’immense univers aux minuscules insectes en passant par notre corps humain, sont gérées par l’harmonie entre le yang et le yin. Prenons pour exemple notre corps, sa santé dépend du degré de l’harmonie yang – yin.
Dans la nature, le printemps démarre la montée du yang qui atteint sa plénitude en été, c’est la période du yang dans la nature (la pleine chaleur et l’abondance des fruits et des céréales à récolter).
L’Automne marque la fin de cette plénitude du yang et le commencement du yin (la fraîcheur de l’atmosphère, le jaunissement des fleurs et des feuilles d’arbre) .
Voilà pourquoi l’automne, saison de grand changement de l’aspect et des couleurs de la nature, provoque depuis toujours de grandes émotions chez nos poètes et ermites qui se livrent au jeu des mots pour exprimer le bouillonnement de leurs sentiments : tristesse, mélancolie, émotion, ivresse, espéranceIls nous ont laissé tant d’œuvres artistiques d’excellence : peintures shanshui et poèmes shanshui.
Cette année, au jour de cette Fête de l’automne, j’ai choisi et traduit 10 anciens poèmes pour éditer des cahiers impériaux, illustrés avec mes calligraphies originales.
Souscription à ce livre dès maintenant :
秋 颂

Ode à
L’automne

Traduit en français par
SHI Bo
Exemplaire N°    sur 10

Académie chinoise de Paris

samedi 7 septembre 2019

MES EXERCICES CALLIGRAPHIQUES 41

高瞻遠矚
se placer haut et voir loin (avoir une grande perspicacité, une grande prévoyance)
萬事不難
rien n'est impossible


欲窮千里目
Si on veut voir plus loin
更上一層樓
Il faut monter à un étage plus haut


dimanche 25 août 2019

A PROPOS DU PROCESSUS DE L'APPRENTISSAGE DE LA CALLIGRAPHIE CHINOISE.

浅谈学习中国
书法进程

Comme pour chaque chose, l’apprentissage de la calligraphie chinoise a ses règles et son processus à suivre....

D’abord, apprendre la calligraphie est un long parcours qui exige beaucoup de volonté, de patience, de sacrifices et d’humilité. Il m’arrive souvent d’expliquer ce long chemin à ceux qui veulent être calligraphes au bout de deux ou trois ans d’exercice au pinceau !



Mais pourquoi cet apprentissage est-t-il si long ?

Parce que la calligraphie n’est pas seulement une question graphique, mais qu’ elle est aussi  le creuset de la culture chinoise : histoire, poésie, philosophie, littérature, langue, sentiment,  humeur personnelle, etc.
Et puis, la calligraphie est aussi un long perfectionnement de la personnalité individuelle : calme contre turbulence, patience contre impatience, désir de progrès contre autosuffisance,  modestie contre m’as-tu-vu, etc. 

C’est un long processus de remises en question continues.

Ensuite, la calligraphie est un art complexe et donc difficile à maîtriser. Dix ans ? Quinze ans ? Vingt ans ? Cela dépend de tout un chacun.

Bien des gens veulent aller au but rapidement. Ce n’est pas possible, car cet apprentissage a des étapes incontournables. 
Prenons comme exemple les étudiants à l’université - en Chine - qui ont choisi la calligraphie pour spécialité d’étude : ils doivent tous suivre un long programme qui s’étend sur cinq ans.

-- La première année d’étude est consacrée à l’apprentissage du zhuanshu 篆书 (sigillaire) qui est à l’origine de l’écriture chinoise. Cette année permet de connaître vraiment l’origine des caractères ( forme et signification ). Il s’agit là du départ du processus de l’apprentissage. 


 illustration : tirée de  « Passion à l’encre » p.142 – 143

-- La deuxième année est centrée sur l’apprentissage du kaishu 楷书 ( écriture régulière qui est pratiquée dans la vie courante des Chinois) et sur toutes les techniques du pinceau. 
Si l’on veut aller loin sur ce chemin, il est obligatoire de bien maîtriser les techniques de base du kaishu

En Chine, on dit ceci : sans un bon kaishu, on ne sera jamais un vrai calligraphe.
Les étudiants chinois continuent à se perfectionner en kaishu pendant les 3e, 4e et 5e années universitaires.

illustration : tirée de  « Passion à l’encre » p.189

-- La troisième année  a pour thème principal l’apprentissage du xingshu 行书 (écriture cursive ) dont les traits des mots sont souvent liés, la forme des mots est plus libre et plus dynamique. 

On pense souvent qu’on peut tracer le xingshu “comme on veut”, sans aucune règle à respecter. Mais non ! Le xingshu possède et traduit beaucoup plus les sentiments et le caractère de l’auteur, tout en respectant le principe primordial de la calligraphie :
           - harmonie entre le blanc ( papier ) et le noir ( encre ), 
           - symetrie de part et d'autre de l'axe et équilibre des épaisseurs des traits (délicieuse alternance des traits fins et des traits épais) Que sais-je encore....
 illustration : tirée de  « Passion à l’encre » p 45

-- La quatrième année est destinée à l’étude du caoshu 草书 ( herbe folle ) Ce style est très vif et très personnalisé, hautement épuré et savamment abstrait, donc très difficile. Les étudiants se consacrent entièrement à copier un grand maître historique, trait par trait, mot par mot, vers par vers…
Cette étape leur est importante pour forger la personnalité de leur calligraphie déjà assez bien affirmée.  ‘    
( illustration : voir « Passion à l’encre » p. 94 )


-- La cinquième année est destinée à composer la thèse théorique basée sur les connaissances théoriques et pratiques acquises durant les quatre années précédentes. 
C’est la dernière année d’étude couronnée par un diplôme universitaire qui, pourtant, ne signifie pas la fin de l’apprentissage.
…et cependant, le chemin vient à peine de commencer …

En Europe, l’écriture et la langue chinoises nous sont totalement étrangères, ce qui fait que l’apprentissage de la calligraphie chinoise devient un vrai  « casse-tête chinois » : tout nous paraît étrange, bizarre et compliqué, il faut de longues années pour pénétrer vraiment ce labyrinthe esthétique. Plusieurs de mes élèves, au bout d’une vingtaine d’années de labeur à mes côtés, arrivent à très bien calligraphier et leurs œuvres sont chaleureusement appréciées à Pékin et à Shanghaï par mes anciens collègues. C’est très encourageant et réconfortant. En même temps, cela prouve aussi la nécessité de la patience , de la ténacité et de l’humilité pour réussir ce long parcours.

Vouloir c’est pouvoir !

dimanche 11 août 2019

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 5 -

Parlons de "shan shui hua" 
问答山水画
(3) ...

Léa A : L'état mental de l'artiste a t il une importance?

Shi Bo

Shi Bo : Il est primordial. Chaque œuvre doit exprimer une volonté, un désir, une passion, en un mot, c’est une procédure de recherche mentale, sentimentale, spirituelle. L’esprit de l’artiste décide de tout concernant l’œuvre.

Léa A : Toutes ces questions te paraissent sans doute étonnantes ou même idiotes ! mais je me  les pose souvent....
Alors, d'autres personnes  peuvent aussi se les poser!

Shi Bo : Ce ne sont pas du tout les questions idiotes comme tu le dis. Il s’agit là de l’essentiel de shan shui hua qui se lit non seulement par les traits noirs, mais surtout par les petits et grands espaces blancs que l’artiste aménage intelligemment sur le tableau.
J’aimerais ajouter un mot sur les espaces blancs du shan shui hua. Comme en calligraphie, les blancs (vides) sont une expression plus intense, plus profonde, plus imaginaire que les traits noirs. Souvent ce sont ces petits ou grands espaces qui cachent le parfum du mystère que tu ressens. Si le premier plan et le dernier plan du tableau sont trop remplis de traits noirs, les lecteurs se sentent étouffés, écrasés.
Prenons la cascade pour exemple : sur un shan shui hua, si tu aménages une ou deux cascades en blanc, ton tableau prend immédiatement vie, car ces espaces blancs donnent beaucoup de mouvement et de respiration au tableau et font même entendre le grondement de la chute d’eau. Un vrai mystère !

Shi Bo

Léa A : A propos des shan shui hua, j'ai aussi une question concernant le poème. Est-ce la peinture (finie ) du paysage qui déclenche la création du poème par l'artiste?  Ou bien inversement, le poème est-il écrit avant la création de la peinture shan shui, et ainsi l'artiste peint en interprétant le poème?  Ou bien, le poème peut- il être écrit par un autre artiste ? (différent du peintre ) 

Shi Bo : Les trois cas que tu cites sont possibles. Souvent le peintre est l’auteur du poème, mais on peut aussi peindre selon l’image d’un poème écrit par un poète. L’empereur Qianlong de la dynastie des Qing, grand lettré et poète de l’époque, aimait composer et calligraphier ses poèmes sur des œuvres picturales qu’il collectionnait abondamment. J’ai moi-même eu l’occasion de calligraphier mon poème sur une peinture d’un ami peintre shanghaïen qui avait exposé à Paris.

Léa A : Merci pour toutes ces explications précises et précieuses !

Shi Bo : C’est un grand plaisir pour moi de parler de ce sujet.

mardi 30 juillet 2019

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 5 -

(2)
....Parlons de "shan shui hua"
问答山水画


Léa A : Y a t il un ordre précis à respecter dans le processus de création ?

Shi Bo : Chaque maître a sa propre procédure. Par exemple, Shi Tao (石涛) aimait peindre dabord le grand contour  ( peindre limmensité ) pour encadrer les détails ( exprimer la profondeur ) qui suivaient , alors que Zhang Daqian ( 张大千 ) commençait souvent par les détails pour finir par des coups de pinceau sur le contour du tableau. Mais ce n’est pas toujours cette règle qui régissait leur pinceau, chacun pouvait aussi procéder inversement.


Léa A : Quels éléments doivent être présents dans ces peintures de shan shui hua ? 

Huang Bijong - cliquer sur l'image pour l'agrandir
Shi Bo : Comme son nom l’indique, shan shui hua est une peinture sur la montagne et l’eau qui y sont donc deux éléments indispensables 
Montagne : elle peut y figurer sous forme de rocher, de haut sommet lointain enveloppé par des nuages ou des brumes, ou bien d’un contour flou sur le dernier plan du tableau
Eau : qui donne la vie et le mouvement au tableau, elle peut être une étendue d’eau, un lac, une rivière, un fleuve, un ruisseau, une cascade (chute d’eau), ou bien même la pluie ou la neige…
A part la montagne et l’eau, on peut y ajouter des arbres, des oiseaux, des sentiers reliés par un pont en bois, et une petite maison ou un pavillon entouré d’arbustes. Sur l’étendue d’eau, on peut aussi dessiner des barques, un ou deux pêcheurs, etc.
Les tableaux de shan shui hua présentent toujours plusieurs plans :
le premier plan est le paysage le plus proche des yeux de lecteurs ; le deuxième plan est le plus en vue et occupe la plus grande superficie du tableau ; le troisième plan décrit les éléments lointains, les lignes ou les points du pinceau sont plus fins et plus flous ; le quatrième plan décrit l’immensité qui suscite la méditation des lecteurs dont l’imagination peut galoper dans cette immensité infiniment lointaine et floue.

Léa A :L'artiste, peut-il se laisser aller à des fantaisies ? Ou doit-il peindre de façon académique les arbres, les rochers, les cascades.   ?

Shi Bo : Sur le plan de technique, l’artiste doit suivre les règles mille fois prouvées efficaces par nos anciens. Par exemple pour peindre des bambous, les feuilles et le corps du tronc ont été minutieusement étudiés par nos anciens, il vaut mieux les suivre pour ne pas faire fausse route. Quant à l’état d’âme que l’artiste veut exprimer, il peut donner libre cours à son imagination et à ses fantaisies. Il s’agit là de la vraie création artistique.
Je vis depuis plus de trente ans parmi des artistes européens, je vois souvent que dès le début on veut déjà exprimer des fantaisies au lieu d’apprendre les techniques de base sur les traits, les points, les plans et la disposition des éléments du tableau. Cela est diamétralement opposé au chemin traditionnel chinois d’apprentissage. Mais on est libre, je ne suis pas contre cette liberté.
(à suivre.......)

jeudi 18 juillet 2019

DIALOGUE CALLIGRAPHIQUE 5 -

Parlons de "shan shui hua"
问答山水画
(1)
Léa A :  Vous savez que j'adore les shan shui hua !  Je les aime car elles sont mystérieuses. Dans les dialogues calligraphiques, pouvez-vous prendre ma question pour parler plus en détails des shan shui hua? 

Shi Bo : Oui, bien sûr. Shan shui hua est un vaste sujet. Je ne la pratique plus depuis que je suis en France, car je ne trouve plus l’inspiration environnante. Mais tu peux me poser des questions concrètes auxquelles j’essayerai de répondre autant que je peux.

Léa A : parlez-moi tout d’abord des problèmes concrets : le support, la taille ,la technique de ces peintures à l'encre.

Shi Bo : Pour tous les peintres chinois traditionnels, le support n'est autre que le papier de riz qui absorbe et diffuse parfaitement lencre. 
Certains peintres, tels que Zhao Wuji - 赵无极- (Plus connu en France sous le nom de Zao Wou-Ki) essaient de combiner la peinture chinoise à la peinture occidentale, ils utilisent d’autres supports .
ZHAO WUJI (赵无极)- ici une peinture sur toile de très grande dimension

A propos de la taille, aucune règle nexiste, chacun peut choisir la dimension de son œuvre. En principe, shan shui hua se déploie verticalement ou horizontalement. Verticalement pour exprimer la profondeur de shan shui ( 山水- montagne et eaux) et horizontalement pour montrer l’immensité de shan shui.
Ce paysage de Shen Zhou : "vivre. dans les monts Fuchan " (1347/1350) mesure 33 x 885cm - Il est exposé à Pekin au Musée de la Cité Interdite. (La peinture Chinoise ed. Hazan)

Quant à la technique des peintures shan shui, c’est très compliqué et il est difficile de traiter ce sujet en quelques mots seulement. Ceux qui enseignent cette peinture en France ont chacun leur technique, il faut les suivre pas à pas durant des années. Cest un investissement de longue patience.

Léa A : Y a t il un ordre précis à respecter dans le processus de création ?

Shi Bo : Chaque maître a sa propre procédure. Par exemple, Shi Tao (石涛) aimait peindre dabord le grand contour  ( peindre limmensité) pour encadrer les détails ( exprimer la profondeur ) qui suivaient , 
Shi Tao - A l'écoute du ruisseau à donglu

alors que Zhang Daqian ( 张大千) commençait souvent par les détails pour finir par des coups de pinceau sur le contour du tableau. Mais ce n’est pas toujours cette règle qui régissait leur pinceau, chacun pouvait aussi procéder inversement.
Zhang Daqian 张大千)
                                     (à suivre...)