Vous trouverez sur ce blog, au fil des jours et des mois, les oeuvres réalisées par le Maitre Calligraphe Shi Bo, ainsi que les stages qu'il propose, ses livres numérotés et autres parutions, ses commentaires ....... Que la visite vous soit un enrichissement.
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vendredi 26 avril 2019

DIALOGUES CALLIGRAPHIQUES 3 - Fin de l'article

(Suite et fin de l'article)

La peinture shan shui hua  et la poésie shan shui shi  constituent un chant lyrique du silence-repos. Les grandes figures dans ce domaine considéraient comme un devoir incontournable et noble de décrire, peindre et suggérer ou énoncer le silence du paysage, de la vie de reclus, sous tous ses aspects …

     Elisabeth F : C’est-à-dire…
     Shi Bo : Voici quelques éléments primordiaux :

Paysage lointain(远景) : qui transporte l’âme vers un horizon lointain sans trace humaine, sans tracas quotidien, une contrée féerique sereine et apaisante, un endroit limpide qui peut laver le cœur de toutes les impuretés de notre monde matériel ;
Vie oisive (闲适): qui encourage à se détacher des intérêts matériels et mondains et à rester serein pour scruter la vérité de la vie humaine ;
Harmonie (和谐) : harmonie entre la nature et l’homme, entre le yin et le yang, entre l’extérieur de soi-même et son intérieur, harmonie qui guide les gens dans la recherche de la paix dans l’âme et du repos dans l’esprit. Cette harmonie nous aide à trouver la bonne place de l’être humain dans notre univers ;
Eau limpide (清流) : qui a le mérite de mettre en valeur la pureté spirituelle qui manque cruellement aux êtres humains. La peinture de l’eau et la poésie sur l’eau donnent la fraîcheur, réveillent la conscience sur la bonne conduite et insufflent une limpidité dans notre âme ;
Lieu sauvage (荒野) : qui incarne la vérité sur l’harmonie du yin et du yang de notre univers et l’aspect original de la nature où l’homme doit vivre ;
Climat froid (寒冷) : qui pourrait rafraîchir l’esprit « perturbé » par les considérations mondaines et égoïstes, et invite les gens à garder la tête sereine devant toutes les séductions matérielles et l’emprise du pouvoir ;
Solitude (孤寞) : qui, considérée comme un exceptionnel privilège par les maîtres de culture de l’âme dans la sérénité, est bénéfique pour cultiver la grandeur de l’âme et la pureté de l’esprit à travers un paysage (un univers) peint ou décrit où règne le silence.

Illustration de la poésie des Tang par Shi Tao - (Extrait de : Shi Tao le précurseur)
L’esprit d’ermite (居士或隐士意识 )
Elisabeth F : Parmi ces ermites qui se retirent au fin fond des montagnes ou de la campagne, les plus célèbres sont Tao Yunaming ; Han Shan et Wang Wei , n’est-ce pas ?

     Shi Bo : J’y ajoute Shi Tao ( 石涛 ), Huai Su ( 怀素 ), Zhi Yong.( 智永 ) qui sont aussi très importants. Avec leurs créations en peinture, poésie ou calligraphie, ils ont beaucoup contribué à la fondation de l’esprit d’ermite.
Depuis l’Antiquité, les Chinois portent en haute estime l’esprit d’ermite et cet esprit a traversé d’innombrables épreuves pour devenir le cristal des trois courants de pensée chinoise : le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme. Résultat : tous les grands auteurs ou presque de shan shui hua et de  shan shui shi finirent par élire domicile au fond d’une montagne reculée ou bien au bord d’un cours d’eau isolé. La montagne et l’eau occupaient forcément leur esprit, par conséquent leurs créations. Et au fil du temps, l’âme chinoise s’imprégna du profond silence séculaire et de la sérénité solitaire, ce qui d’ailleurs constitue un des aspects du caractère national des Chinois.

Comment forger cet esprit d’ermite ? Chacun de ces trois courants idéologiques que nous venons d’évoquer a sa méthode pour lutter contre ce fameux « moi » qui est à l’origine de l’agitation, de l’avidité et du désir du monde mondain :

Le maître Confucius préconisait  le Ren (), la retenue du  « moi » (克己 ) pour réaliser l’harmonie médiane ;
Le fondateur du taoïsme Lao Tseu encourageait « l’oubli du moi » (忘我) pour atteindre l’harmonie céleste ;
Le bouddhisme mettait avant tout le « non-moi » (无我) pour jouir du Nirvana.
La lutte contre le « moi » n’est pourtant pas suffisante pour réaliser la sérénité dans l’âme. Ce qui est aussi important dans cette lutte, c’est de lutter contre ce monde séculier. C’est pourquoi les peintres et les poètes chinois chantent toujours le bonheur de se détacher du monde poussiéreux d’où est née une conception dite « sortir du monde séculier » (出世,脱世) , essence de l’esprit d’ermite. Ce qui explique la nostalgie de grands lettrés chinois pour la nature sauvage et pour le lieu solitaire que  l’on rencontre fréquemment dans leurs créations picturales et poétiques.

     Elisabeth F : Ce que vous venez de me dire est très instructif . Le monde actuel a besoin de cet esprit d’ermite.

     Shi Bo : Oui, Depuis l’Antiquité, les Chinois glorifient les ermites et les lettrés de haute compétence se réclamant de l’esprit d’ermite, se donnant souvent le plaisir de s’offrir un titre d’ermite, par exemple « ermite Montagne froide », « ermite Colline de l’Est », « ermite Vieillard errant »,  « ermite Lotus bleu », « semi-ermite Champ vert », « ermite Montagne parfumée », « ermite Six-Un », « ermite Pureté-Vérité », « ermite Roche blanche », « ermite Facilité-Tranquillité », etc. Grâce à leurs créations picturales-calligraphiques-poétiques, ils ont contribué à façonner la pensée chinoise dans cet esprit d’ermite caractérisé par le silence-repos, la sérénité dans l’âme, le calme dans l’esprit, le sang-froid dans l’action ... La conception du silence est donc devenue ancestrale dans la pensée chinoise.
Le monde contemporain a besoin du silence ; shan shui hua et shan shui shi pouvent nous offrir un havre de silence et de sérénité susceptible de lutter efficacement contre le stress et l’angoisse dont nous sommes quotidiennement victimes.

     Elisabeth F : Je sais que vous êtes prolifique en calligraphies et en livres. Est-ce que vous avez des livres sur le sujet qui nous concerne aujourd’hui ?

     Shi Bo : Oui, je fais des calligraphies en rouleau dans le style « léger », la lecture ou la contemplation de ce genre de tableaux calligraphiques apaise et invite à entrer dans la sérénité. Quant aux livres, j’en ai préparé deux : le premier est un recueil de cinquante poèmes sous le titre de « Le chant du silence », illustrés par mes calligraphies. Il en reste encore un seul exemplaire disponible . Le deuxième est un recueil en cahier impérial, il regroupe dix poèmes sous le titre de « Dix poèmes contemplatifs ». il sera bientôt prêt.

     Elisabeth F : Je suis ravie de notre conversation très instructive et Je vous en remercie chaleureusement !


    Shi Bo : Merci à vous.

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